le meilleur moment de l’année !
10. Showing Up, Kelly Reichardt

Showing Up est le premier film de Kelly Reichardt que j’ai vu. Michelle Williams y joue Lizzie, une sculptrice maussade, que tout dans la vie semble exaspérer (à commencer par sa voisine et propriétaire, Jo, également artiste). Elle prépare une exposition et ne comprend pas pourquoi personne ne semble vouloir lui faciliter la tâche. Même si elle est exaspérante, Lizzie est aussi relatable et attachante ; surtout, on comprend petit à petit qu’il y a plus à découvrir chez elle que son air renfrogné. Showing Up parle du quotidien des artistes, de la difficulté à faire coexister pratique créative et impératifs de tous les jours (nourrir son chat, payer son loyer). C’est aussi un film sur la rivalité féminine dans le monde du travail et en amitié, sur la solitude et sur l’estime de soi. On se laisse bercer par sa lenteur et son humour grinçant par petites touches, et on en ressort tout chose (moi, en tout cas).
9. Yannick, Quentin Dupieux

J’entretiens un rapport fluctuant avec les films de Quentin Dupieux : un coup sur deux, je trouve ça absolument génial, et puis une autre fois, je me dis que, là, il s’est vraiment perdu. Yannick est peut être devenu mon préféré (supplantant l’hilarant Au poste dans mon coeur). La performance de tous les acteurs y est absolument époustouflante, mais on ne va pas se mentir, c’est celle de Raphaël Quenard qui fait la différence. Drôle, pertinent, émouvant, il nous fait passer par toutes les émotions, toujours sur le fil, toujours incroyable. Et puis j’ai beaucoup aimé le sujet du clash des cultures (qu’est-ce que c’est que l’art, le divertissement, et qui est en droit décider ?). La fin m’a fait des noeuds au ventre.
8. How to have sex, Molly Manning Walker

J’ai déja écrit une critique de How to have sex que vous pouvez retrouver ici ! Bravo aux girlies et bravo à Molly Wanning Walker d’avoir eu le courage, la finesse et l’intelligence de raconter cette histoire.
7. Chien de la casse, Jean-Baptiste Durand

Bon, c’est un fait, Raphaël Quenard est la véritable vedette de ce top. Si je l’ai adoré dans Yannick, il m’a définitivement retourné le cerveau dans Chien de la casse, un film qu’il porte (en partie) sur ses épaules, aux côtés d’Anthony Bajon, un autre acteur français que j’aime beaucoup. Tous deux forment un tandem incroyable, la grande gueule bully, le taiseux effacé, et apportent à leurs personnages des nuances de très haut niveau. La tension sourde qui nourrit tout le film ne redescend pas une seconde, alors que nous sommes amenés à nous interroger sur les mécanismes si complexes, si abscons de l’amitié, de la loyauté et de l’amour. Et, évidemment, énorme big up à Malabar, autre grande star du film.
6. Perfect Days, Wim Wenders

Le cinéma de Wim Wenders est toujours une belle surprise, et je ne suis pas étonnée d’avoir beaucoup aimé Perfect Days. Son rythme circulaire, cyclique, m’a rappelé Paterson de Jim Jarmusch (un de mes films préférés !), mais à la différence de ce dernier, qui célébrait la vie simple et la poésie du quotidien, Perfect Days choisit de s’intéresser d’avantage aux failles qui peuvent ébranler ce modèle. Au départ simple récit du bonheur sans chichis, le film s’assombrit peu à peu, et le héros, au départ posé comme un sage incompris, se révèle bien plus complexe et humain que l’on ne le croyait -ce qui le rend d’autant plus incroyable et attachant. Tentative de trouver du sens dans la modernité, dans la ville, dans la vie, Perfect Days se laisse couler comme une rivière indolente, deux heures de soleil et de nuages, portées par une bande son génialissime (avis aux fans du rock des 60s)… Encore !
5. War Pony, Gina Gammell & Riley Keough

A la croisée du documentaire et de la fiction, War Pony parle à la fois de la vie dans les réserves Lakota et de masculinité, via ses deux héros de 23 et 12 ans, qui cherchent tant bien que mal à trouver leur voie. Au premier abord, je suis toujours sceptique quand j’entends que deux femmes blanches, non concernées par le racisme et la pauvreté, décident de s’emparer de ces thématiques ; mais Gina Gammell et Riley Keough (la petite fille d’Elvis ET la star de Daisy Six and The Jones, qui est aussi réalisatrice et productrice) ont eu l’intelligence de s’entourer de scénaristes natifs américains (Franklin Sioux Bob et Bill Reddy), originaires de la même réserve que dans le film, et de caster des acteur.ice.s locaux. Il en résulte un film profondément authentique, et surtout, optimiste, ce qui tranche radicalement avec la représentation misérabiliste qui est généralement faite de cette communauté au cinéma, et à toutes les personnes racisées je pense, qui sont fatiguées de se voir souffrir en boucle sur grand écran. Mention spéciale également à Beast, qui, avec Malabar, prouve que les chiens ont également une place à part dans le cinéma de mon coeur cette année, aux côtés de Raphaël Quennard.
4. Past Lives, Celine Song

Visionnage tardif mais excellente surprise, Past Lives m’a émue par sa délicatesse et son histoire d’amour étirée entre deux continents. Celine Song explore avec beaucoup de justesse la biculturalité, l’émigration et l’acculturation qu’elle implique, mais aussi la force des histoires d’amour dans nos têtes et la façon dont elles se confrontent (voire se brisent) face à la réalité. Vaut-il mieux aimer dans le présent, bien ancré dans sa vie réelle, ou espérer et tout faire pour que l’histoire d’amour de nos rêves advienne, peut être ? Récit flottant d’une romance à la fois contemporaine et intemporelle, Past Lives a été la dernière note pleine de beauté douce-amère de mon année cinématographique.
3. Simple Comme Sylvain, Monia Chokri

A mes yeux, Monia Chokri est peut être la femme la plus intelligemment drôle du cinéma francophone actuellement. Dès son premier film, La femme de mon frère, j’ai été séduite par le rythme bavard de ses dialogues tranchants et par le regard plein d’autodérision acerbe qu’elle porte sur les bobos trentenaires (du Québec, mais aussi de la France par extension). Son féminisme est à la fois tendre et cynique, et elle explore avec beaucoup de justesse les contradictions qu’il y a en chacun.e de nous, par-delà les idées que nous nous faisons de nous-mêmes. Dans Simple comme Sylvain (son meilleur film pour moi), elle s’attaque au mythe de l’amour et se demande : peut-il transcender nos orignes sociales, et à quel prix ? Etant moi-même obsédée par ces questions et par la sociologie amoureuse, je me suis lovée dans ce film aussi beau que génial, son hiver québeccois et son rythme fou. (PS : je me suis rarement sentie aussi bien représentée qu’avec la scène où Sophia, en pleine rupture, sanglote allongée par terre, enroulée dans sa couette).
2. Le Règne Animal, Thomas Cailley

Je ne m’attendais pas à grand chose en allant voir Le Règne Animal (je ne savais même pas de quoi le film parlait), et j’en suis ressortie chancelante. Conte fantastique réinventé, le film est une géniale incursion dans ce genre que le cinéma français embrasse encore assez peu, et prouve qu’on peut faire advenir la magie à l’écran sans nécessairement dépenser des millions en effets spéciaux. Au contraire, Thomas Cailly, dont j’avais adoré le film Les Combattants, choisit la parcimonie, le dévoilement progressif, pour une fin en apothéose très chouette. Paul Kircher y est touchant en adolescent gauche et sûr de lui à la fois, et Romain Duris, en père philosophe dépassé par la vie, est bluffant également. Il en résulte une fable sur l’altérité, à l’heure du transhumanisme et des maladies mondiales, et une ode à la poésie des forêts enchanteresse.
1. Anatomie d’une chute, Justine Triet

Que dire sur cette Palme d’Or ? Qu’elle est très méritée et que le gouvernement est bien stupide de ne pas avoir envoyé le film aux Oscars ? Je n’étais jusque là pas une très grande fan du cinéma de Justine Triet (j’avais plutôt détesté Sybil et j’étais restée mitigée par le sous-texte de Victoria), mais avec Anatomie d’une chute, la réalisatrice m’a définitivement conquise. Empruntant au genre du film-procès (parfois si laborieux), elle crée une intrigue palpitante, étouffante, qui dure 3 heures mais qu’on sent à peine passer. Son personnage d’enfant clairvoyant et aveugle à la fois, presque magique (et qui partage son prénom avec le petit Danny de Shining !) est bluffant. Jusqu’à la fin, on reste en suspens, comme le verdict… Un très, très grand film qui laisse pantelant, des questions plein la tête.
Et vous, quels étaient vos films préférés cette année ?