Septembre : a new season has begun

C’est la rentrée ! Quelques mots sur ma saison de coeur et mes obsessions de de ce mois-ci, entre gentil love interest et père un peu naze.

“It was official : a new season has begun” déclare Carrie Bradshaw dans ce qui reste probablement l’un des plus chouettes épisodes de Sex and the City (“I Heart NY, S4E18). (Je regarde Sex and the City depuis plus de trois ans et je n’ai toujours pas fini les six saisons, mais j’ai hâte de terminer pour pouvoir un jour écrire quelque chose dessus…). Septembre est mon deuxième mois favori de l’année, juste après octobre, parce qu’il marque le début de l’automne, ma saison préférée. J’ai toujours été fan de l’ambiance de cette période, entre rentrée des classes -mon 1er janvier à moi- et retour au confort douillet de la maison, après un été à l’extérieur.

C’est sans doute un point de vue éculé, puisque tous les ans, dès le 31 août, nous sommes invariablement bombardé.e.s de contenus qui célèbrent la “comfy season” par excellence, mais j’ai été élevée par des Youtubeuses des années 2010 qui célébraient l’automne comme personne, et on ne se refait pas : oui, j’adore allumer les premières bougies vanillées de l’année, ressortir mes pulls en laine moelleux et prendre en photo les belles feuilles d’arbre que je déniche durant mes balades. Plus je grandis (serait-il temps de dire “vieillir” ? Oups), plus je réalise aussi à quel point il est important de prendre le temps de romantiser son quotidien, parce que personne ne le fera à notre place… Et parce que c’est un des seuls moyens que j’ai trouvé de ne pas sombrer face aux atrocités de l’actualité. Entre deux manifs, entre deux brèves d’infos déchirantes, trouver un moyen de nourrir une forme d’escapism salutaire, pas dans le but de se couper du monde, mais dans celui de tenir plus longtemps, et de retourner renforcé.e dans la mêlée du quotidien.


Lire et regarder Practical Magic

Ce mois-ci, j’ai enfin lu le livre d’Alice Hoffman qui a inspiré l’un de mes films automnaux préférés, Practical Magic de Griffin Dunne. C’est un film que je regarde tous les ans, généralement au mois d’octobre, et dont j’emporte les conseils (“always throw spilt salt over your left shoulder, keep rosemary by your garden gate and fall in love whenever you can”) et les images (la scène de Nicole Kidman sur “A case of you” de Joni Mitchell fait partie de mes moments cinématographiques préférés) partout avec moi, très précieusement.

Cela faisait longtemps maintenant que j’avais envie de me plonger dans le roman qui a inspiré cette histoire que j’aime tant, et quel meilleur moment pour le découvrir que le mois de septembre ? J’ai été surprise de constater que le livre est assez différent du film -l’intrigue est plus longue, plus inter-générationnelle, moins centrée sur la grande maison victorienne de sorcière qui fait tout le sel de l’adaptation ; finalement, c’était un peu comme découvrir un Practical Magic totalement nouveau, avec très peu de points d’ancrages par rapport au long-métrage que je connais par coeur, mais ça m’a permis de ne pas constamment comparer les deux (rare, quand on découvre le livre après le film) et de leur offrir à chacun une place bien distincte dans mon coeur. C’était néanmoins tout aussi drôle, émouvant, et, oserai-je le dire, whimsical, que l’œuvre ciné de Dunne, donc si vous avez besoin d’un roman un peu enchanteur pour survivre aux jours qui raccourcissent, foncez, c’est un régal.

Valeur sentimentale

Une autre grande maison qui m’a beaucoup marquée en septembre : l’immense bâtisse norvégienne rouge de Valeur Sentimentale, filmée avec amour dans ses moindres coins et recoins. Je parlais déjà un peu du film ici, dans un nouveau format (:p) mais j’avais envie de revenir dessus un peu plus en profondeur côté écrit. Je sais que beaucoup de gens ne l’ont pas aimé, à cause de sa lenteur et de son côté ultra-bourgeois, qui verse un peu dans la préciosité, mais personnellement, j’ai adoré me lover dedans comme dans un bon pull chaud, et regarder la vie de la famille Borg se déployer sous mes yeux. Pauline Le Gall (dont je lis religieusement la newsletter) lui reprochait de son côté d’être très centré sur les hommes, mais je dois dire que pour ma part (pour une fois), c’est un parti pris que j’ai assez bien accepté. C’était déjà quelque chose que j’avais beaucoup reproché à Julie en douze chapitres, le dernier film de Joachim Trier, que j’avais tout simplement détesté : pour le coup, je m’étais vraiment sentie flouée en regardant l’histoire de cette supposée héroïne basculer brusquement et devenir terriblement ex-centrée (au sens propre, puisque que la belle, la fantasque Julie n’est en fait qu’un prétexte pour raconter en pointillés l’histoire de… son ancien compagnon). J’en parlais d’ailleurs ici.

Dans Valeur sentimentale, bien que je reconnaisse que  les hommes (ou plutôt, l’homme) prennent encore une fois une place très importante dans le récit, j’ai mieux compris le besoin de leur offrir du temps d’écran. Peut-être est-ce ma propre expérience qui a repris le dessus, mais j’ai trouvé cette histoire de lien père-fille abîmé très juste ; je n’ai peut-être pas autant d’argent, de succès ou de privilèges que Nora ou Gustav, et mes errances ne prennent pas la forme d’une performance théâtrale ou d’un film, mais je me suis beaucoup retrouvée dans cette relation impossible et douloureuse. On parle souvent de daddy issues dans la culture populaire, sans bien comprendre ce que cela recouvre vraiment -le terme est presque devenu une insulte, ou du moins, une sorte d’excuse fourre-tout, parfaite pour rejeter la faute sur les femmes en cas de dysfonctionnement relationnel, ou pour les blâmer dans leurs choix de partenaires ; mais on parle assez peu du deuil que l’on doit parfois faire de nos pères bien vivants, en tant que femmes adultes, lorsque l’on réalise à quel point ils sont comme les autres. Je pense à toutes mes amies qui ont longtemps idolâtré leur père, ténor de leur enfance, et qui, à l’approche de la trentaine, se retrouvent empêtrées dans un réseau de sentiments contradictoires, de chagrins, de frustrations, sans savoir quoi faire de leur amour et de leur admiration d’antan ; à celles qui, au contraire, redécouvrent une fois grandes la vie intérieure -souvent compliquée- de leurs pères, incapables d’exprimer la moindre émotion, et ont soudainement une boule dans la gorge en réalisant qu’ils en souffrent eux aussi. Comment se réconcilier avec eux et retisser des ponts, sans se trahir soi-même une fois de plus ? 

C’est sans doute une lecture un poil naïve, et elle ne résonnera pas avec tout le monde, mais pour ma part, je me suis beaucoup retrouvée dans la lutte de Nora, écartelée entre sa colère et son besoin de reconnaissance (la scène où elle fume une cigarette complice avec son père, laissant transparaître à quel point son avis a longtemps compté et compte encore pour elle malgré tout, m’a brisé le coeur). Je me suis dit que c’était un thème qui mériterait plus d’attention, comme plein d’autres sujets un peu difficiles dont on ne parle encore qu’à demi-mots. Et puis, je le redis, quelle belle maison (j’adore les films où la maison est aussi importante qu’un personnage, et dans laquelle on peut classer Practical Magic aussi, d’ailleurs !).

The Summer I fell for Conrad Fisher

Je sais que j’ai déjà passé la newsletter d’août à pester contre la série, mais il faut bien l’avouer, mon mois de septembre a aussi beaucoup tourné autour des trois derniers épisodes de la saison, révélés au compte goutte durant les premières semaines de la rentrée. Le mois dernier, je soulignais à quel point j’avais trouvé l’adaptation du roman d’origine (que j’ai lu) pauvre et maladroite ; ce mois-ci, j’aimerais au contraire dire que j’ai été impressionnée par la façon dont la série a su prendre son envol (final et tardif) avec cette conclusion improbable, qui n’a pas de parallèle dans le livre. 

Une série, c’est presque un être vivant, qui grandit, se déploie et évolue au fil du temps, comme un animal qu’on apprivoise. Il arrive qu’elle s’effondre en plein milieu ou qu’elle ne décolle jamais vraiment, mais parfois, comme dans The Summer I Turned Pretty, elle atteint l’équilibre à la dernière minute, ce qui est à la fois beau et un poil frustrant. Ici, c’était un peu dommage de découvrir que la série ne prenait vraiment corps qu’au moment où elle s’émancipait complètement du roman dont elle est inspirée et dont elle a suivi méthodiquement la trame durant trois saisons : d’habitude, c’est plutôt l’inverse ! Mais en laissant ses personnages vivre et expérimenter des choses qui n’étaient pas écrites à l’avance, TSITP a réussi à leur insuffler un peu de profondeur, chose qui n’était vraiment pas gagnée.

Néanmoins, il faut rendre à César ce qui lui appartient : si une étincelle a jailli quelque part au milieu de ces trois épisodes, c’est aussi clairement grâce à la performance de Christopher Briney, le seul acteur qui a réellement su tirer son épingle du jeu dans toute cette histoire. La fragilité qu’il insuffle à son Conrad et ses sad boy eyes rachète vraiment le personnage et en fait quelque chose de complètement différent de sa version 2010s (un fuckboy assez méchant, croyez moi sur parole) ; son speech final à Belly m’a surprise et sincèrement touchée (quelle belle façon d’avouer à quelqu’un qu’on l’aime que de lui dire “You have always been a precious person to me”...).

J’ai aussi trouvé intéressante la façon dont les girlies d’Internet ont résonné avec l’homme qu’il incarne à l’écran : sexy, mais gentil, torturé, mais mature. C’est un trope qu’on connaît déja bien et qu’on voit souvent dans les oeuvres destinées à un public féminin, mais l’amour intense que les spectatrices lui ont porté cet été m’a rappelé une fois de plus le pouvoir des personnages masculins écrits par des femmes -cet écran blanc sur lequel nous projetons nos fantasmes romantiques, qui ne sont bien souvent que des rêves de décence et de respect. Je crois que Conrad a conquis le public non pas parce qu’il était évidemment endgame pour Belly, mais parce qu’au fond, il est révélateur de nos envies de sensibilité chez les personnages masculins.

Bien qu’il n’ait pas réinventé le trope du good/bad/broken boy, il lui a offert un visage très contemporain, dans un récit où la santé mentale a d’avantage sa place et où elle dessine les contours de nouveaux héros, dont la souffrance peut (enfin) être autre chose que de frapper dans les murs à la moindre contrariété : quand Conrad va mal, il ne devient pas violent, il va juste en thérapie. Je trouve ça touchant voire encourageant que le crush d’une jeune génération soit incarné par ce modèle timide, maladroit, incertain, vulnérable, plutôt que par le jeune premier colérique, ténébreux et manipulateur avec lequel j’ai par exemple grandi dans les années 2000 et 2010 (Chuck Bass, Edward Cullen et les frères Salvatore, je pense à vous). Je ne suis pas assez naïve pour croire que cela changera la donne, mais representation matters, et le retour en force du yearning boy dans la culture populaire me donne des papillons dans le ventre.

On se quitte sur ma playlist Youtube d’automne préférée, qui encapsule parfaitement « la nostalgie des années 2010 », le dernier truc à la mode chez les ados (enfermez moi direct dans une maison de retraite à ce stade) :

Et vous, quels étaient vos coups de coeur et vos obsessions du mois de septembre ?