This is the season of the witch… Les sorcières au cinéma sont multiples, mais elles ne racontent pas toute la même chose, et ne sont pas toutes aussi cool.
Gillian – Bell, book and candle, Richard Quine (1958)

Il n’y a pas tellement de films vintage cool sur la sorcellerie (à part Ma femme est une sorcière en 1942), pour la simple et bonne raison que pendant très longtemps, les sorcières à Hollywood sont avant tout des antagonistes sans grande profondeur : ce sont les méchantes avides de jeunesse et de pouvoir des premiers Disney, comme la belle mère dans Blanche Neige en 1937, Maléfique dans La Belle au Bois Dormant en 1959 ou la Mauvaise sorcière de l’Est du Magicien D’Oz en 1939, au visage vert et repoussant. Il faudra attendre les années 60 pour que la sorcière réintègre le récit sous les traits d’une héroïne attachante, qui cherche tout simplement à vivre sa petite vie d’ensorceleuse. Gillian, interprétée par l’hypnotisante Kim Novak (vous l’avez vue dans Vertigo de Hitchcock !), fait partie de ces nouveaux personnages de sorcières qui émergent à cette époque au cinéma.
Évidemment, on est loin des héroïnes badass de notre génération : la sorcellerie (comprenez : la possibilité pour une femme d’être puissante et indépendante) est encore un peu mal vue, et souvent la sorcière se fait dompter par la vie domestique, qui la ramène à sa vraie place de femme (derrière les fourneaux), comme dans Ma sorcière bien aimée. Il y a aussi un côté exotisant très dérangeant, qui associe la sorcellerie à l’ailleurs… Patriarcat et fétichisme mis à part (pfiou), Bell, book and candle est un de mes films doudous sur la sorcellerie : déjà, il y a James Stewart qui se fait mener par le bout du nez, et le chat noir de Gillian, Pyewacket, est super cool. Et puis franchement, Kim Novak était faite pour ce rôle d’ensorceleuse.
Nancy, Rochelle, Sarah et Bonnie – The Craft, Andrew Fleming (1996)

Avance rapide : nous sommes maintenant dans les années 90, une période phare pour les sorcières au cinéma. Beaucoup, beaucoup de production du grand et petit écran parlent de sorcellerie : Charmed, Buffy, Sabrina The Teenage Witch, Hocus Pocus… Contrairement à leurs soeurs des années 40, 50 et 60, les sorcières des 90s n’ont plus besoin de prouver leur allégeance au patriarcat en étant femmes au foyer. Elles peuvent désormais être des superwomen modernes, qui assument pleinement leur pouvoir. Malgré tout, le conservatisme n’est pas mort : interdiction, pour la plupart d’entre elles, de faire usage de la magie à des fins personnelles. C’est l’opposition classique de la magie blanche et de la magie noire, de la bonne et de la mauvaise sorcière. Etre une bad bitch, ok, mais seulement pour les autres, surtout pas pour soi (sinon, vous êtes laide, grotesque et allez probablement mourir) !
The Craft illustre bien l’idéologie en jeu dans ces récits et le rôle de fable moralisatrice que jouent encore les histoires de sorcières. Ses 4 héroïnes représentent les différentes facettes de la sorcellerie, l’attrait de la magie noire et de la magie « égoïste ». La fin m’a toujours laissée super dubitative et j’aurais aimé que le film porte jusqu’au bout un vrai message de sororité (mais il faudra encore attendre environ dix ans pour ça). Malgré tout, The Craft reste un spooky teen movie culte que j’adore : les uniformes, les actrices (hello Neve Campbell pré-Scream !), l’ambiance… C’est comme un clip d’Avril Lavigne qui finit mal.
Aussi, c’est un des rares films sur les sorcières à mettre en scène une héroïne noire (certes, pas hyper creusée, mais qui aborde quand même la question du racisme !). Pour de la diversité à l’écran, il faudra attendre les années 2010 voire 2020, avec les personnages d’American Horror Story, de Vampire Diaries ou de Sabrina le reboot… et encore, la plupart brasseront cliché sur cliché concernant le vaudou et mourront toutes à répétition. J’attends toujours un film avec une sorcière racisée intéressante.
Willow – Buffy contre les vampires, Joss Whedon (1997-2003)

Évidemment, la spooky season n’est pas la spooky season sans la meilleure série de tous les temps : Buffy contre les vampires. Avec Tara, Buffy et Faith (en somme, toutes les girlies de la série), Willow est un de mes personnages préférés du show, mais aussi un de mes personnages préférés de toute la télé. Déjà, c’est la première sorcière bisexuelle du petit écran. Son évolution est vraiment palpitante : on la voit passer de jeune fille timide et brillante à une jeune femme sûre d’elle, qui a confiance en sa puissance et son jugement. Elle refuse le rôle de sidekick effacé que lui taillent les premières saisons, et gagne en épaisseur au fur et à mesure (comme tous les personnages de Buffy ! C’est pour ça que c’est une excellente série).
Son histoire avec la magie est aussi super intéressante. Certes, elle perpétue l’archétype de la sorcière en vogue à l’époque des 90s, mais en même temps, elle propose aussi une vision plus nuancée et complexe de ce personnage, pour qui rien n’est jamais tout noir ou tout blanc (comme tous les personnages de Buffy ! C’est pour ça que c’est vraiment une excellente série). En cela, Willow est à mes yeux le premier personnage de sorcière travaillé à l’écran. Bref, je l’aime tellement que j’avais écrit un article sur elle pour Nylon. Willow supremacy !
Sally & Gillian – Practical Magic, Griffin Dunne (1998)

Probablement mes deux sorcières préférées de la Terre, parce que Practical Magic est un de mes films préférés au monde… Tout y est, le folklore, la maison victorienne, le matriarcat, l’enchantement, les super outfits et les super coupes de cheveux. Le fait que les héroïnes soient deux permet de montrer différents usages de la sorcellerie, dans la veine des récits des 90s : là où Sally (Sandra Bullock, incroyable) est mesurée, raisonnable et humble (donc, la sorcière blanche), Gillian (Nicole Kidman, incroyable aussi) est impétueuse, magnétique, et unapologetic (c’est à dire, la mauvaise sorcière).
Pour autant, le film ne juge aucune des deux et ne les oppose pas : il ne livre pas de morale puritaine concernant la magie et refuse de condamner leurs choix. Il réfléchit plutôt à l’amour, aux relations qu’on noue avec les hommes et à la famille. C’est assez rafraîchissant. La question que je me pose depuis des années : Gillian s’appelle-t-elle Gillian en hommage au personnage de Kim Novak ? Ça rendrait le film encore plus savoureux. Bonus : les plans magiques de Nicole Kidman qui chante Joni Mitchell au volant de sa voiture, ou de Sandra Bullock qui allume les bougies en soufflant sur leurs mèches… Envie d’être elles.
Elaine – The Love Witch, Anna Biller (2016)

The Love Witch est le film sur la sorcellerie le plus satisfaisant esthétiquement que vous pourrez trouver après Practical Magic. Nous sommes dans les années 2010, mais Anna Biller a parfaitement encapsulé l’ambiance victorienne-girly-gothique qu’on adore associer traditionnellement aux sorcières. Elle s’inspire aussi de l’atmosphère et des tendances des 70s, avec une héroïne à mi-chemin entre la néo-païenne hippie et Morticia Addams. Mais The Love Witch n’est pas seulement plaisant à regarder, c’est aussi un film très intelligent. A l’époque d’Anna Biller, la sorcellerie sur le petit et grand écran est devenue à peu près ce qu’elle est aujourd’hui : une métaphore sur la résistance et l’empouvoirement des femmes qui, loin de devoir renoncer à leurs pouvoirs comme jadis, sont encouragées à les utiliser. The Love Witch réfléchit à plein de thèmes différents, comme l’endoctrinement, le besoin de validation masculine et les violences faites aux femmes, et interroge ce que c’est que d’être une héroïne puissante et vulnérable à la fois. Il en résulte un film bien plus doux-amer qu’il n’y paraît, voire presque glaçant par moments. Bref, un must-see.
Et vous, qui sont vos sorcières préférées ?