Reboots malheureux, grosses prods complètement creuses, propos nauséabonds déguisés en chef-d’oeuvres… Mes déceptions de l’année (pardon aux artistes talentueux.euses qui sont parfois derrière ces oeuvres). Crédit du concept : bitchemedia.com
Wicked: For Good de Jon M. Chu

Disons les termes une bonne fois pour toutes : en dépit de son budget de 150 millions de dollars, Wicked: For Good était sacrément raté. Et avant qu’on m’accuse de snobisme, je tiens à préciser que je n’ai aucun parti pris contre Wicked. Je suis une grande fan d’Ariana Grande et une pop culture enthousiast avant tout, et l’an dernier, j’ai d’ailleurs passé un plutôt bon moment devant Wicked Part 1, dont les enjeux politiques m’ont emballée.
Le deuxième épisode, cependant, appuie vraiment là où ça fait mal et amplifie douloureusement tous les défauts du premier : c’est larmoyant, c’est long et mal rythmé, et aucune bonne chanson ne relève le niveau. Wicked : For Good ne s’adresse clairement pas aux spectateur.ice.s lambdas, mais semble plutôt pensé comme une lettre aux fans qui ont lu le roman ou ont vu le spectacle, et qui maîtrisent bien les détails de l’histoire. Le problème, c’est que je n’en fait pas partie, et que des pans entiers de l’histoire m’ont échappé (quid de la sorcière de l’Ouest ? C’est quoi cette histoire de souliers ?), ce qui a rendu toute l’expérience plutôt déplaisante.
A cause d’un très mauvais sens du rythme, du hors champ et de l’ellipse, j’ai aussi trouvé que tout le jeu de miroirs avec Le Magicien d’Oz (que j’attendais avec impatience) tombait complètement à plat, Dorothée et son voyage demeurant dans l’ombre tout du long, ce qui est selon moi fort dommage. Le combat contre l’extrême droite, mon arc narratif préféré, était réduit à une ou deux scènes tout sauf audacieuses : parlons-en, de la tiédeur politique d’un film supposément antifa qui, en 2025, aurait pu se faire le reflet de notre situation politique actuelle, mais qui a préféré mettre en scène des scènes de sexe faussement hot et bourrées d’effets CGI laids ! Quelle lâcheté ! C’est difficile de regarder un film qui prétend raconter un combat contre l’extrême droite, mais qui n’est en fait que le paravent d’une maigreur extrême et du nombrilisme de Hollywood. Les mimiques émues et les torrents de larmes versés par les personnages à tout bout de champ, alors même que l’intrigue peine à émouvoir, de par sa pauvreté et son incapacité à laisser les enjeux émotionnels de son histoire se déployer, ont achevé de couler le film à mes yeux.
Ce qui a rendu tout ça encore pire, c’est qu’à part le New Yorker, qui a courageusement titré “Wicked For Good is really, really bad”, très peu de gens semblent avoir voulu parler de cet échec pourtant assez évident à mes yeux (c’est moche ! on comprend rien !). En 2025, j’ai donc eu l’impression de vivre dans une simulation orwellienne, où tout le monde (entendez : la presse et les stars) ne cessait de qualifier Wicked de prouesse et de chef d’œuvre, comme si à force de le répéter, ça allait devenir vrai… Ce qui m’a donné l’impression que le vrai tour de passe passe de Wicked résidait non pas dans sa mise en scène, mais dans le fait que le film repose au fond sur la même supercherie que celle qu’il dénonce à l’écran : une envie collective et confortable d’y croire, alors même que la magie n’existe pas. Qu’on leur donne un Oscar et qu’on passe à autre chose, pitié.
The Life of a Showgirl de Taylor Swift

Cette année, aucun disque ne m’a plus déçue que The Life of a Showgirl, et bien que j’ai déjà abondamment parlé de mon rapport à l’album dans mon billet d’octobre, j’aimerais reprendre deux minutes pour m’appesantir sur la déception que ça a été de l’écouter le jour de sa sortie. Comme toujours quand un album de Taylor Swift sort, j’avais prévu tout un cérémonial ; pour TTPD, c’était de m’allonger par terre dans le noir, entourée de bougies, et d’écouter les 32 titres sans interruption. Cette fois-ci, je m’étais organisé une balade au parc sous la pluie à la tombée du jour. Je me souviens encore de l’effroi terrible qui s’est emparé de mon âme au moment du refrain de “Eldest Daughter” (“I’m not a bad bitch, this isn’t savage” chante mélancoliquement Taylor au piano) quand, immobile sous mon parapluie, j’ai finalement réalisé que plus rien ne pourrait sauver l’album à mes yeux.
A partir de là, tout n’a été qu’un, vaguement interrompu par “Ruin the Friendship”, l’une des seules chansons que j’aime vraiment sur ce disque, et je suis rentrée chez moi morose et trempée. Je crois que j’aurais pu comprendre l’envie de Taylor de faire un album mineur (et, disons le, paresseux et conservateur) si elle n’avait pas passé trois mois à nous teaser un commentaire acide sur les dessous de l’industrie musicale -un thème à peine abordé dans “Father Figure”… Je ne préfère même pas parler de “The Life of A Showgirl”, le morceau final. Bref, j’espère que Taylor se rattrapera pour le 13ème album, parce que sinon ça va commencer à devenir très dur de la défendre en public.
Eddington d’Ari Aster

Pas vraiment envie de m’étaler sur ce qui a été la pire séance de tout mon festival de Cannes (2h25 de kidnapping, si vous voulez mon avis), mais je tiens quand même à en dire un mot, parce que je suis hantée par la vidéo de SensCritique où certains spectateurs le décrivent comme « une vision très pertinente de l’Amérique » ou le films qu’ils ont préféré de la compétition (mais il y’a aussi d’excellents clashs que j’adore, bravo SensCritique). J’ai très envie de demander à ces spectateurs : la barre est-elle si basse ? La carrière d’Ari Aster avait super bien commencé avec les films d’horreur Hérédité et Midsommar, mais le réalisateur américain semble depuis être devenu imbu de lui-même et persuadé qu’il a tout compris à la vie. Eddington, qui se veut une sorte de commentaire satirique sur la société américaine (un peu comme One Battle After Another, en fait), semble confirmer sa chute. Durant les 148 atroces minutes que dure le film, tout y passe : la fin du COVID, le “wokisme” (un concept auquel Aster semble croire dure comme fer), les sectes, les théories du complot, la violence des armes à feu…
Il en résulte une sorte de tambouille infâme, immangeable et incroyablement pompeuse, qui, en dépit de ses dehors faussement subversifs, est en réalité très conservatrice, et repose sur des clichés assez nauséabonds (comme l’idée que l’engagement politique des jeunes contre les inégalités est factice et hypocrite, par exemple, ou le fait que les épouses sont des traitresses adultères). Il suffit en fait de regarder Mickey 17, l’autre grande satire sociale de l’année (mais portée sur l’anti-colonialisme et l’anti-capitalisme), pour comprendre à quel point l’humour d’Eddington sert de paravent à des idées réacs.
J’ai souvent l’impression qu’il suffit qu’un film se pare de satire pour que les Américains crient au génie, mais moi j’aimerais juste rappeler qu’un méta-commentaire sur l’actualité peut être mauvais, et qu’Ari Aster est juste un gros boomer à qui on a donné beaucoup trop de budget. Le réalisateur John Waters (79 ans, un âge important pour resituer le propos) a déclaré il y a peu qu’Eddington était le meilleur film de l’année, et a ajouté “Si vous n’aimez pas ce film, je vous hais”. Malheureusement, je me dois donc de dire que dans mon cas, c’est l’inverse : si vous aimez ce film, il y a de grandes chances que je vous déteste (et John Waters a chuté dans mon estime personnelle). Aussi, vous êtes de droite.
I know what you did last summer de Jennifer Kaytin Robinson

Bon, sans grande surprise, I know what you did last summer le reboot n’a pas été à la hauteur de l’original. Pretends to be shocked ! Certain.e.s diront que mon optimisme me perdra, mais j’étais sincèrement emballée à l’idée que le cinéma revisite le film d’horreur de Jim Gillespie, pour lequel j’ai une affection toute particulière. Le casting annoncé par la production m’emballait pas mal (j’aime beaucoup Madelyn Cline et j’étais curieuse de voir ce que Gabbriette allait nous offrir à l’écran), et la présence de Jennifer Love Hewitt et de Freddie Prinze Junior m’avait rassurée quant à la pertinence de la réécriture.
Malheureusement, tout cela n’était bien sûr que poudre aux yeux. Le reboot n’a absolument aucun sens et se prend les pieds dans son intrigue minute 1, en multipliant les détours, les mauvaises blagues, les allusions au passé ; on sent aussi le désir pressant de la réalisatrice (37 ans) de signer un film “Gen Z compatible”, en truffant son histoire de références à la culture des adolescent.e.s, en soulignant par exemple que les hommes devraient aller en thérapie, qu’on ne peut plus taxer les femmes d’“hystériques”, ou encore en insérant cette terrible réplique sur la skincare (“You know that meme that’s like, if someone you love dies, do you still do your skincare routine? Now I know the answer is yes.”)… Ce qui m’amène à me poser sérieusement cette question : les films sont-ils pensés pour les salles de cinéma ou pour Tiktok ?
On le sait depuis de nombreuses années maintenant, mais le reboot de la saga Scream (affreux, mais rentable) a créé un monstre à Hollywood, en donnant l’illusion à tous les producteurs du pays que c’était une bonne idée de déterrer les succès des années 90 et 2000 et d’en faire une suite (ou un prequel, ou un requel ou toute autre monstruosité de ce genre). Combien de massacres faudra-t-il encore avant que les scénaristes n’arrêtent les frais et se remettent à écrire des récits inédits ? My culture is not your costume et j’aimerais qu’on arrête d’exhumer la dépouille de mes films préférés dans l’optique de leur redonner vie. Laissez nos souvenirs reposer en paix !
Sinners de Ryan Coogler

Unpopular opinion : je n’ai pas aimé Sinners, et vous ne pourrez pas me faire changer d’avis. Je pense que ce qui me dérange le plus, ce n’est pas le film en lui-même, mais le génie qu’on lui prête, et que je trouve totalement incompréhensible. Oui, le film repose sur un bon plot twist, oui, il mélange des choses inédites, mais son passage d’un genre à un autre ne suffit pas à excuser son côté emphatique et lourdingue.
J’ai beaucoup de mal avec les films qui se prennent très au sérieux, car je trouve ça incroyablement prétentieux et contre-productif. Dans Sinners, chaque seconde du film est terriblement imbue d’elle-même, et toutes les répliques (écrites avec les pieds) sont déclamées sur un ton trop épique pour être crédible. Parlons aussi des défauts de rythme de ce film qui dure 2h17, rien que ça, et plus particulièrement, de cette interminable scène à la porte de la grange, qui en devient presque comique tant elle est longue et répétitive : que s’est-il passé en salle de montage ? Pourquoi personne n’a su dire “coupez” ?
Par ailleurs, la sensualité de ce film était tellement forcée que c’en était d’un ridicule insoutenable. Toutes les interactions de Stack avec Hailee Steinfeld (une actrice blanche qui n’a d’ailleurs eu de cesse de dire que Sinners l’avait aidé à “mieux comprendre et se rapprocher de ses origines multi-raciales” -comprenez : un grand père afro-américain et filippin- et d’ajouter qu’elle était “un mélange d’un petit peu tout”) m’ont donné envie de lacérer mon fauteuil de cinéma (pardon mais “So you rob trains and banks but you can’t steal this pussy for a night?”… Allô, la police du cringe).
Je suis aussi encore hantée par la scène où Smoke retourne voir son ex-compagne, Annie, qu’il a abandonné après le décès de leur petite fille, et se débrouille pour avoir des rapports sexuels supposément ultra-hot avec elle, à peu près 5 minutes après cette conversation traumatique. La seule façon pour moi d’apprécier ce film reste de le prendre au second degré et d’en rire (ce que j’ai d’ailleurs beaucoup fait, nerveusement).
Est-ce qu’on a besoin de plus de films de genre qui mettent en avant des personnages noirs et l’histoire afro-américaine de façon générale ? Bien sûr. Est-ce que je vais continuer de suivre le travail de Ryan Coogler de près ? Evidemment ! Malheureusement, Sinners, par excès d’orgueil et de mise en scène sensationnaliste, peine à s’imposer comme autre chose qu’un blockbuster sur les gros bras musclés de Michael B. Jordan (que j’adore par ailleurs) ; la meilleure performance de toute ce soap opera reste encore celle de Jack O’Connell, ce qui est fort dommage pour un film qui ambitionne de marcher dans les pas de la blaxploitation.
Weapons de Zach Cregger

En toute honnêteté, la première demi-heure de Weapons m’a bluffée. Je suis restée agrippée à mon fauteuil de cinéma, des vagues de pure terreur déferlant le long de ma colonne vertébrale, en me demandant ce qui avait bien pu arriver à tous ces enfants bizarres pour qu’ils décident de fuguer ainsi en pleine nuit. Le film réunissait beaucoup d’éléments extrêmement prometteurs -un mystère vraiment original, un motif visuel frappant (les fameux bras en avion des petits disparus), un casting soigné- et avait tout pour être le hit d’horreur indie de l’année (ce qu’il est d’ailleurs, selon de nombreux médias).
Malheureusement, tout s’effondre à la moitié du récit, qui ne résiste pas à la tentation de nous donner bien trop tôt la réponse à toutes nos questions (une erreur de débutant, si vous voulez mon avis !). J’aurais cependant pu pardonner ce défaut si la deuxième partie du film n’avait pas été à la fois vide de sens et incroyablement conservatrice. J’ai été particulièrement frappée par son recours à des clichés misogynes et sexistes aussi faciles que vus et revus ; c’était non seulement d’une grande paresse narrative (à quoi bon nous servir un mystère épais comme de la purée de pois si c’est pour le résoudre en deux phrases) mais aussi très réac… Comme beaucoup de films d’horreur ces dernières années, en fait (en témoigne d’ailleurs le premier long métrage du réalisateur, Barbarian, qui repose sur les mêmes poncifs douteux).
J’analysais tout ce que le personnage de Gladys avait de problématique dans ce post sur le retour de la hagsploitation (comprenez : l’exploitation horrifique des vieilles dames au cinéma), et j’ai désormais une question pour Zach Cregger : pourquoi a-t-il si peur des femmes âgées ? Peut-il imaginer quelque chose de plus cauchemardesque qu’une grand-mère ? Apparemment non, car il aurait accepté de rempiler en réalisant un prequel (oui, encore un) sur Gladys en personne. Soupirs.
Vous pouvez retrouver mes déceptions de l’an dernier ici. À l’année prochaine pour plus de monologues de hater !