
Bilan culturel d’un mois de juillet pluvieux et parisien, qui m’a donné l’occasion de rester blottie dans mon canapé à regarder des films qui font peur et à écouter Taylor Swift (comme d’habitude).
Musique

En attendant Solar Power et Happier Than Ever, j’ai occupé mon mois de juillet avec les singles d’artistes que j’aime beaucoup : Caroline Polachek et Taylor Swift. Si Taylor prend une pause bien méritée après le double coup de maître qu’était folklore/evermore, elle a été invitée sur un très joli et touchant morceau du groupe Big Red Machine, composé de Justin Vernon (Bon Iver) et Aaron Dessner (The National), avec qui elle avait également collaboré pour produire ses deux derniers albums. Intitulé « Renegade », ce titre, bien qu’elle ne soit qu’invitée dessus, est extrêmement taylorien dans son écriture, son lyrisme et ses thèmes, et m’a vraiment donné la sensation de savourer une chanson inédite de la chanteuse. Caroline Polachek m’a également régalée de l’excellent « Bunny Is a Rider », premier single de son nouvel album mystère que ses fans attendaient, haletants, après son génialissime premier projet solo, Pang, en 2019, dont les visuels hanteront à jamais mon esprit. Pour son grand retour, la chanteuse livre un titre un peu plus électro et moins mystique que ses titres précédents, mais tout aussi catchy, que j’ai instantanément adoré. Le clip et la cover, toujours très maîtrisés, annoncent également une évolution visuelle, loin des ensorcelantes images de Pang, et font référence à d’autres univers, comme, le polar, l’horreur ou encore le jeu vidéo, et confirment selon moi le fait que Caroline Polachek est définitivement l’une des artistes les plus exaltantes esthétiquement parlant en ce moment.

Livres
En raison de la densité du livre qui m’a occupé en juillet, je n’ai pas eu le temps pour beaucoup de lectures parallèles ; je me suis quasivement exclusivement concentrée sur la pensée d’Eva Illouz, sociologue des relations amoureuses et de la modernité, que j’avais découvert à travers son dernier ouvrage, La Fin de l’amour, au début de l’année. J’ai souhaité approfondir en m’attaquant à son best-seller, Pourquoi l’amour fait mal, qui m’a totalement conquise, là où La Fin de l’amour m’avait parfois laissée sur ma faim. Comme l’indique le titre, le livre se concentre sur une exploration des motifs douloureux et récurrents de nos relations amoureuses contemporaines : phobie de l’engagement, multiplication parfois subie des relations et des partenaires, injonction à la libération sexuelle… Chaussant ses lunettes de sociologue, Eva Illouz s’emploie (brillamment) à démontrer que toutes nos angoisses relationnelles ne relèvent pas tant de nos failles personnelles ou, dans le cas des relations hétéros, d’une incapacité biologique des hommes à se comporter décemment, mais qu’elles sont propres à notre époque et à nos sociétés (capitalistes, agnostiques et post-deuxième vague de féminisme). Malgré une prose quelque peu ardue et très académique qui rend le livre difficilement accessible (et c’est bien dommage), Pourquoi l’amour fait mal est selon moi une oeuvre indispensable à mettre entre les mains de tout le monde (mais surtout des femmes) pour mieux comprendre notre souffrance et déconstruire nos mauvaises estimes de nous ou notre impression d’être maudit.e.s en amour. On regrette vraiment la complexité du livre, qui demande du coup un solide background académique et une bonne concentration pour pouvoir être compris et apprécié… mais heureusement, pour les personnes qui n’ont pas le courage de s’attaquer à ce pavé, il y a toujours les BD de Liv Strömquist, qui, sous forme d’essais illustrés drôles et acides, vulgarise très bien la pensée d’Illouz (c’était d’ailleurs ma première porte d’entrée sur son oeuvre).

Pour souffler, je me suis quand même accordé le plaisir de re-découvrir un roman noir façon thriller, Le cueilleur de fraises de l’autrice allemande Monika Faith, qui m’avait beaucoup marquée durant ma pré-adolescence. Enfoui très profondément dans mon inconscient, son souvenir est remonté à la surface quand je suis tombée dessus en brocante, et c’est une lecture légère agréable pour les amateurs.trices de polars et surtout, une chouette madeleine de Proust pour la lectrice que je suis.
Séries

Niveau séries, j’ai poursuivi sur ma lancée avec la quatrième saison de Buffy and boy was it good ! J’ai vraiment adoré les trois premières saisons et j’avais un peu peur que l’engouement s’essouffle, surtout avec la transition des personnages du lycée à la fac et la disparition de Faith et Cordelia, que j’aimais beaucoup. Mais la quatrième saison est vraiment excellente et a le mérite de commencer à explorer des thèmes plus adultes et profonds, comme le casual sex et le sexisme qui va avec, la vie en communauté sur le campus, l’homosexualité (Twillow lovers, arise) ou encore les petits boulots étudiants. Pour une série sortie en 1999, je l’ai trouvé étonnement pertinente, féministe et moderne dans son traitement de ces problématiques. Globalement, malgré quelques longueurs et un méchant pas très crédible, j’ai pris un vrai plaisir à regarder les personnages que j’aime faire leurs débuts trébuchants dans la vie adulte, et j’ai adoré l’arrivée d’Anya, de Tara et de Riley. La question de la crédibilité du combat de Buffy contre les démons (mais que fait le gouvernement, me demandais-je depuis le début de la série) se pose enfin avec The Initiative et c’est aussi prétexte à des débats intéressants qui donnent un réalisme agréable au contexte de l’intrigue (mais tout reste relatif).

J’ai également découvert sur le tard l’excellente I may destroy you, écrite, produite, réalisée ET jouée par l’incroyable Michaela Coel, dont j’ai beaucoup entendu parler, notamment de la part de Jennifer Padjemi qui l’analyse avec pertinence dans Féminismes et pop culture. J’arrive vraiment après la bataille, mais j’ai été très touchée en tant que spectatrice et en tant que femme par la justesse, la pudeur et en même temps la violence (nécessaire) du propos sur le viol et plus globalement le consentement, ainsi que par le portrait d’une jeunesse (féminine, queer, noire) en prise avec la drogue, la difficulté de trouver du travail, les applis de rencontres, et qui fait les frais des injonctions sexuelles à la libération, de l’éclatement des relations et de la culture du viol.

Films
Juillet étant avant tout le mois du Festival de Cannes, c’était l’occasion parfaite d’aller au cinéma pour découvrir les premiers films de la sélection. Pour ma part, je me suis consacrée à Annette de Leos Carax, Bonne mère de Hafsia Herzi et, évidemment, Titane de Julia Ducournau. Si Annette m’a émue et (surtout) amusée avec ses chansons pas toujours bienvenues, Bonne mère a été pour le coup la bonne surprise inattendue. J’ai beaucoup d’affection pour le travail de Hafsia Herzi que j’aime beaucoup en tant qu’actrice et ayant raté son premier long métrage, Tu mérites un amour, j’ai vraiment apprécié la découvrir derrière la caméra en tant que réalisatrice pleine de pudeur, portant un regard sur la banlieue marseillaise où elle même a grandi. Bonne mère est un beau film sans prétention qui explore différents portraits de mères au sein des classes sociales immigrées et défavorisées du sud. J’ai aussi apprécié Titane pour son esthétique, son body horror hyper maîtrisé et son audace, même si j’avoue avoir peu accroché aux thèmes familiaux que Julia Ducournau explorait déjà dans Grave et que je ne m’attendais pas forcément à voir ressurgir ici. C’était cependant un bon prétexte à un propos sur la masculinité et le corps, chose qu’on ne voit que trop peu au cinéma et surtout en France.

En dehors des sorties cinématographiques, j’ai découvert l’excellent documentaire Des hommes d’Alice Odiot et Jean Baptiste Viallet, qui filment sans un mot le quotidien des détenus de la prison des Baumettes. C’était un prolongement parfait à la fiction de Bonne mère et surtout un film comme il y en a peu sur le monde carcéral français. Sans aucun jugement mais sans non plus verser dans un pathos construit narrativement, la caméra se contente de suivre les (très) jeunes hommes et de dresser un portrait informel d’une masculinité du sud, de sa violence de ses impasses (un écho à Titane peut être ?). J’ai aussi dévoré la trilogie Netflix Fear Street, de la réalisatrice Leigh Janiak (dont j’avais adoré le premier long métrage horrifique à petit budget, Honeymoon), qui de toutes façons avait tout pour me plaire : l’hommage au genre horrifique et l’adaptation des romans de jeunesse de R.L Stine, un incontournable de ma bibliothèque d’ado et d’adulte. C’était une agréable surprise car j’avoue que je n’en attendais pas (plus) tant d’une production à gros budget Netflix ; mais, en dépit d’un sentimentalisme téléphoné et superficiel très propre aux œuvres de la plateforme et à l’Amérique, Fear Street était vraiment un triptyque sympa, léché et intelligent. La trilogie, à travers le portrait de différentes époques, s’attaque aux codes de différents sous genre de l’horreur (le slasher des 90s, les sorcières de Salem, le camp d’été) et fait de beaux clins d’œil à des films comme Scream, Vendredi 13 ou The Witch. Il culmine aussi sur une réécriture assez réjouissante des classiques sur les procès des sorcières et a le mérite de mettre en scène un couple lesbien sans fétichisme ni cruauté (quand on sait que les lesbiennes sont généralement les premières sacrifiées à la télévision). On pourrait peut être lui reprocher son queer baiting et une diversité comme toujours de façade et assez creuse, mais j’ai en tout cas apprécié sa teneur anti- police, son intérêt pour les classes défavorisées et son couple central. C’est dans tous les cas un film divertissant qui fonctionne si vous cherchez quelque chose à regarder pour passer le temps.
