Il y a les films d’hiver, dont le froid nous réchauffe et que l’on regarde blotti.e sous la couette… et puis il y a les films d’été, à la douceur estivale et à la sagesse solaire. J’avoue que le programme d’été de Mubi m’a donné envie me demander à mon tour quels étaient mes films d’été par excellence (d’ailleurs, on en a quelques uns en commun). En farfouillant, je me suis rendue compte qu’ils avaient bien souvent des similitudes, ce qui m’a permis de définir (de façon très subjective) ce qu’est un bon film d’été. Déjà, il se passe en été (jusque là, rien d’alarmant). Ensuite, c’est souvent un film qui réussit à mettre en scène ce qui caractérise le plus l’été à mes yeux : la suspension du temps, l’errance à mi-chemin entre la mélancolie et l’excitation. L’été, c’est un moment à part, où tout peut arriver, mais où bien souvent, il ne se passe rien. C’est pour ça, je pense, que presque tous les films que j’ai choisis suivent les péripéties d’adolescent.e.s au tournant de l’âge adulte : le coming of age, c’est peut être l’été fait film, au fond. Voici du coup dix films qui m’ont donné l’illusion de sentir le soleil sur ma peau et le sel sur le bout de ma langue (et évidemment, la bande son de cet article c’est august de Taylor Swift car nous sommes en août)
Conte d’été, Éric Rohmer (1996)

Conte d’été, c’est vraiment le film d’été par excellence pour moi : il se déroule en Bretagne, la région où j’ai moi-même passé tous mes mois de juillet et d’août, et puis un des personnages s’appelle Lena. Plus que ça, je trouve qu’il réussit très bien à encapsuler tout ce qui fait la force du cinéma d’Éric Rohmer à mes yeux : les mini-crises existentielles et amoureuses, les questionnements doux amers de héro.ïne.s terriblement imparfait.e.s, qui nous ressemblent dans leur ego et leurs erreurs. Il ne se passe grand chose au fond, mais c’est délicieux comme une tartine de beurre demi-sel après un bain de mer. L’alchimie entre Margot et Gaspard me serre encore le coeur, des années après le premier visionnage. Et bonus, c’est quand même l’occasion de voir Melvil Poupaud jeune et beau. Il est du coup disponible sur Mubi en ce moment, et je ne peux que vous conseiller de foncer.
Les Météorites, Romain Laguna (2018)

Un de mes films français préférés de ces dernières année ! Je suis un peu triste que Les Météorites n’ait pas eu plus de reconnaissance, et surtout, j’attends avec impatience le prochain film de Romain Laguna. On y suit les aventures de Nina, (incandescante Zéa Duprez…), le temps d’un été à domicile, dans le chouette parc de dinosaures de (oui, vous l’avez aussi vu dans le clip d’Eloi). C’est un film qui fait la part belle à son environnement et aux montagnes qui enferment l’héroïne dans un univers encore adolescent dont elle aimerait bien s’échapper. C’est surtout un super portrait de jeune fille, de premières amoures obsessionnelles, et de désoeuvrement (j’aurais pu aussi citer L’effrontée avec Charlotte Gainsbourg, mais il faut que cette liste reste succinte). En fait, ce que j’aime le plus dans ce film, c’est la façon dont il réussit à parler très justement d’un phénomène 100% estival : l’envie que quelque chose se produise.
Somewhere, Sofia Coppola (2010)

J’ai découvert Somewhere cet été, dans un effort pour finir une bonne fois pour toutes la filmographie de Sofia Coppola, et c’était une excellente surprise. On me l’a beaucoup vendu comme son film le plus boring (alors que The Bling Ring existe…), et j’y allais du coup avec 0 attente, mais j’ai été complètement happée par les silences, les non-dits et le spleen des personnages. En premier lieu : merci pour cette belle utilisation d’une chanson de Gwen Stefani (trop rare sur grand écran à part dans Bring It On) (à écouter juste en dessous). Elle Fanning est super en pré-adolescente enfant de star, et j’ai essayé d’y déceler des éléments autobiographiques : la jeune Sofia a-t-elle parfois reproché ses absences à son père ? Le film est très émouvant et m’a aussi beaucoup fait penser à After Sun, sorti au début de l’année. Si vous avez aimé ce dernier, vous aimerez Somewhere. Long live Sofia Coppola !
Vacances romaines, William Wyler (1953)

C’est le classique de la liste ! Juste le meilleur film d’Audrey Hepburn à mes yeux (son premier grand rôle et son premier Oscar, aussi). Quand on le regarde pour la première fois, on croit regarder un film qu’on a déjà vu mille fois, mais en fait, il a plus d’un tour dans son sac. J’ai vraiment écumé les romances hollywoodiennes en noir et blanc, mais Vacances romaines a ce petit truc en plus, cette magie qui repose beaucoup sur l’alchimie entre les acteur.ice.s et aussi sur l’aura de Naples. C’est Princesse malgré elle et Notting Hill à la fois, c’est le berceau de toutes les grandes romcoms de notre enfance à mes yeux, et ça se passe en ITALIE.
A l’abordage, Guillaume Brac (2020)

Guillaume Brac mérite peut être le titre de meilleur réal estival français… Avec son documentaire sur l’Île de Cergy il y a quelques années, il signait déja un superbe long-métrage sur les vacances, mais mon vrai coup de coeur, c’est son film de fiction. Brac montre le revers de la médaille et filme les étés de ceux qui ne peuvent pas partir (ou du moins, pas très loin, pour pas très cher) : c’est les vacances de bric et de broc, à domicile, le terreau pour les aventures les plus inattendues et les plus douces. C’est aussi drôle que tendre, c’est un vrai régal, et puis ça réfléchit aussi à l’amour, aux façons de faire famille, à la classe sociale… bref, un bonheur.
Eva en août, Jonás Trueba (2019)

Autre découverte de cet été : ce chouette film espagnol, construit comme une promenade dans Madrid, au fil de l’eau. On y suit Eva, une jeune femme de 33 ans (chiffre totalement sacré, et ce n’est pas le seul élément mystique), toujours vêtue de rouge passion. Philosophe malgré elle, elle délivre ses petites observations pleines de sagacité à toute une ribambelle d’inconnu.e.s croisé.e.s par hasard. Elle aurait pu devenir cette manic pixie dream girl qu’on déteste, mais non : c’est une héroïne touchante, dont on accède petit à petit à l’intériorité fragile. C’est un excellent film sur l’été en ville, loin des clichés des vacances et c’est un portrait intéressant de femme adulte. Sa grande force, c’est d’être extrêmement bavard sans être boring (Noah Baumbach could never) tout en posant de belles questions : comment devient-on une vraie personne, au fond ? Le film est, lui aussi, disponible sur Mubi !
Ava, Léa Mysius (2017)

Impossible de parler d’adolescence en été sans parler du tour de force de Léa Mysius ! Ava, c’est vraiment tout ce que j’adore au cinéma : une actrice tout feu tout flamme (je ne me remettrai jamais de Noée Abita dedans), une réflexion brûlante sur l’adolescence féminine et l’éveil au désir… C’est aussi une chouette histoire de chien, de relations mère-fille et presque un conte sur la fin. Un peu hybride, il brasse beaucoup de choses, et moi j’en retiens surtout la scène incroyable sur Sabali ainsi que le bleu éclatant de son affiche.
Body Heat, Lawrence Kasdan (1981)

Un peu l’ovni de cette liste, mais ça reste un de mes films canicules préférés. Globalement, comme l’indique le titre, dans Body Heat, il fait très chaud. Ca se passe en Californie, en plein été, les sangs s’échauffent, les corps aussi, et les cerveaux ramollissent (l’état parfait pour visionner ce chef d’oeuvre). C’est un film noir version années 80, qui frôle le kitsch voire bascule complètement dedans par moments, mais il me fait toujours son petit effet, probablement en raison de la scène où les amants prennent un bain de glaçons pour faire baisser leur fièvre sexuelle (je rigole seulement à moitié). Vous connaissez déjà l’intrigue de ce thriller, vous l’avez vu mille fois, et en même temps, comme à chaque fois, vous ne pouvez vous empêcher de vous demander quel sera le dénouement de toute cette mascarade… A regarder nu.e et suant.e, et les stores baissés, un jour de torpeur, en se laissant porter par sa bande son langoureuse.
Teddy, Ludovic et Zoran Boukherma (2020)

Parce que l’été, c’est aussi (parfois (souvent)) des déceptions et le nihilisme, Teddy est un de mes films d’horreur estivaux préférés. Certes, c’est une histoire de loup-garou ; mais c’est aussi le portrait d’une certaine jeunesse, celle de classe moyenne à la campagne, et en creux, celui de son avenir. C’est un film plus doux amer qu’il n’y paraît, qui ne cesse pourtant jamais d’être drôle -et il y a Anthony Bajon dedans. Il n’y en a vraiment pas deux comme ça dans le paysage cinématographique français, je trouve. Si vous le ratez cet été, vous pouvez toujours le reprogrammer pour Halloween, c’est aussi son avantage.
Moonrise Kingdom, Wes Anderson (2012)

Moonrise Kingdom, c’est presque un film de printemps, parce qu’il commence un jour de pluie… Mais au fond, cette escapade romanesque, cette première amourette, ces SCOUTS, est-ce que ça ne crie pas un peu « été » ? Non, en vrai, ce qui le place définitivement dans le top des meilleurs films estivaux, c’est la scène de danse sur Françoise Hardy, au bord de l’eau. Dans ma tête, tous les étés devraient ressembler exactement à ce moment là. Et puis, on est jamais contre (re)découvrir un film de Wes Anderson, avant qu’il bascule dans la folie de The French Dispatch. Pour moi, Moonrise Kingdom, c’est son prime.
Call me by your name est-il un bon film d’été ?

L’incontournable Call me by your name, l’éléphant dans la pièce… J’ai beaucoup hésité à le mettre dans cette liste, et puis j’ai décidé qu’il y avait des films qui méritaient plus d’être mis en valeur. Néanmoins, il a été pour moi un véritable coup de tonnerre cinématographique et a longtemps constitué le parangon de ma filmographie estivale…
J’ai découvert Call me by your name au cinéma, à un âge où je n’avais pas encore très bien conscience des enjeux politiques et de représentation LGBTQ+ qu’il charriait avec lui. Je l’ai compris bien plus tard, mais j’ai d’abord été chamboulée par ce film ultra-solaire, trop beau pour être vrai, sensuel, délicat (d’ailleurs, il conclut la « trilogie du désir » du réalisateur). C’est la Dolce Vita faite film, et d’une exquise beauté (le scénario est signé James Ivory and it shows). La bande son, composée entre autres par Sufjan Stevens, m’a hantée et continue aujourd’hui de planer sur mes étés. C’était ma première entrée dans le cinéma de Guadagnino, qui est depuis devenu l’un de mes cinéastes préférés.
L’esthétique façon european summer peut-elle faire oublier ce qui se joue dans le film ? Assurément, non. Aujourd’hui, je comprends bien en quoi ce film dérange et pose problème ; il perpétue et se nourrit esthétiquement d’un trope pédérastique très dérangeant, tout en mettant en scène une histoire, qui, si elle n’est pas pédophile, repose néanmoins sur des inégalités de pouvoir certaines (rappelons que l’écart d’âge entre les deux amants est de 7 ans : Elio a 17 ans, Oliver, 24). En contrepartie, il n’offre pas beaucoup de garde-fous moraux (les parents sont des entités bienveillantes surréalistes, la souffrance à peine esquissée à part dans la très belle scène finale). Je ne suis personne pour discuter du mal que peut faire ce film aux personnes concerné.e.s, évidemment, et au regard de ces polémiques, je ne suis pas sûre qu’il ait si bien vieilli que ça… Thoughts ?
Cette vidéo résume pas mal les pros and cons de ce film et breaks down ses enjeux :
Pour celles et ceux qui n’ont pas envie de lui donner leur temps, je vous conseille de faire une incursion du côtés des deux autres excellents films de Guadagnino et qui composent avec Call me by your name la trilogie filmique du réalisateur : Amore, avec Tilda Swinton, et A bigger splash, un remake tout à fait intéressant de La Piscine. Ils se passent aussi en Italie et ils sentent bon la crème solaire et le mal de vivre.
Et vous, c’est quoi vos films d’été ?