Février : my baby is a blade

En attendant le printemps, retour sur tout ce qui m’a fait pleurer (de chagrin et de joie) ce mois-ci

oui, cette pépite est issue d’un film dont je vais parler plus bas

En février, Michelle Trachtenberg, l’une de mes actrices de coeur, est tragiquement décédée à 39 ans, suite aux complications d’une greffe de foie. Pour moi, elle était à la fois Georgina, la peste de Gossip Girl (you can tell Jesus that the bitch is back !) et Wendy, l’adolescente super-cool de Mysterious Skin (dont je ne me suis jamais remise). Mais surtout, elle était Dawn, la petite soeur de Buffy, l’un des personnages les plus touchants de la série (qui aurait mérité tellement plus en termes d’écriture et de développement, mais it is what it is), pour qui j’ai vibré, pleuré et palpité mille fois. Je cite souvent cette phrase de Buffy, mais dans ces moments de deuil (réel, parasocial, d’un proche ou d’une icône), elle est la seule qui ait du sens :


Avant de commencer votre lecture, je vous propose de réécouter le duo de Dawn avec un démon, dans l’iconique épisode musical de la saison 6 de Buffy:

🎞️ C’est quoi, du bon cinéma social ?

Au ciné ce mois-ci, j’ai vu le film La Pampa d’Antoine Chevrollier, sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes, et dont l’affiche m’intriguait. J’ai été assez bouleversée par ce long-métrage imprévisible, qui fonctionne comme une poupée russe : on pense qu’il parle d’un sujet bien précis et hop, à l’intérieur de celui-ci s’en dessine un autre, et puis encore un autre. Comme les motocross que Chevrier filme, La Pampa opère des virages brutaux et surprenants, qui laissent un peu désemparé.e et à bout de souffle. J’ai contenu pas mal de larmes et en ai versé quelques-unes, j’avoue.  Certes, La Pampa n’est pas parfait , et il tâtonne à pas mal d’endroits. Le film lance beaucoup de perches (la famille, le deuil, la virilité, le coming out) ; certaines fonctionnent, d’autres pas. Je suis assez sensible, notamment, à la critique qui reproche à La Pampa de s’inscrire dans la tendance ciné de “bury your gays” (c’est-à-dire la mort constante de tous les personnages LGBTQ+ à l’écran) et, évidemment, j’aurais aimé voir un happy ending pour le personnage de Jojo… 

Néanmoins, La Pampa m’a surtout renvoyée à la question du cinéma sur “la province”, c’est-à-dire, en gros, tout ce qui n’est pas Paris. Beaucoup, beaucoup de films français parlent de cette province, du Nord (Roubaix, une lumière, L’Amour Ouf) au Sud (Diamant Brut, La graine et le mulet), en passant par la montagne (Vingt-Dieux, Les Météorites),et toutes ces petites villes sans histoire, qui pourraient être ici ou ailleurs (Chien de la casse, Leurs enfants après eux). Dans leur envie de dépeindre le quotidien de ces “ailleurs” (car pour le public parisien bourgeois friand d’art et d’essai -dont je fais partie- la province, c’est l’ailleurs), certains sont catastrophiques. Souvent, ce cinéma ambitionne d’exhumer les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement de ces communautés dont la vie n’est pas faite de sorties culturelles, de rames de métro bondées et d’appartement exigus au coût astronomique ; un projet peut-être bien intentionné, mais qui se vautre parfois (souvent) dans le mépris de classe ou les clichés sur la résilience des “petites gens”.

La Pampa, avec son regard sur la violence de l’homophobie et de la loi du père dans les petites villes, ne fait pas totalement exception à la règle. Il fait de plus suite à Vingt-Dieux et Leurs enfants après eux (dans lequel on retrouve d’ailleurs Sayyid El Alami), deux autres films qui, eux aussi, parlent de cette province, et témoignent de l’abondance de ces récits sur les écrans français. La question se pose alors de savoir ce qui distinguerait un “bon” cinéma de province, qui serait dans le vrai, d’un mauvais, plein de poncifs dont les parisiens raffolent. C’est une question qu’on peut étendre à l’ensemble du cinéma social, c’est-à-dire le cinéma qui entend traiter d’un sujet socio-économique (la pauvreté, l’immigration, le travail, la prostitution…), et qui est l’un des genres favoris de l’industrie française. Ce n’est pas toujours facile de poser des règles claires pour garantir la sincérité et la véracité d’un film : comment éviter l’écueil du “film à bobo” et signer quelque chose d’authentique (le graal ultime) ? Est-ce que c’est le scénario qui compte ? Ou est-ce que c’est plutôt le casting d’acteurs qui font “vrais”, donc idéalement, des amateurs ? Est-ce que dénoncer les travers de cette province (l’esprit parfois étriqué de certaines bourgades, l’absence de perspectives sociales, l’ennui), c’est forcément ne pas la comprendre, la regarder de haut (depuis Paris) et la trahir ?

Je n’ai pas de réponse définitive, mais pour m’y retrouver dans l’océan de films-français-sur-les-campagnes, j’ai tendance à placer le curseur du côté de l’expérience. Je dirais donc qu’un bon film sur la province (et globalement, sur tous n’importe quel sujet social), c’est déjà un film écrit et réalisé par quelqu’un qui sait un minimum de quoi il ou elle parle, qui connaît son sujet et fait preuve d’une certaine humilité. Dans le cas de La Pampa, Antoine Chevrier coche cette case, puisqu’il a lui-même grandi dans le village de Longué qu’il raconte et filme, et qu’il a épié des jeunes hommes sur des motocross durant son enfance. Il est également très conscient des logiques du bourgeois gaze (pardon, mais je dois replacer ce terme une fois par semaine dans mes écrits, sinon je meurs), comme il l’explique en interview

“J’ai beaucoup aimé certains films naturalistes mais c’est quand même une école dirigée, en partie, par une classe bourgeoise qui pose parfois un regard supérieur sur une autre classe qu’elle fantasme sans la connaître ou qu’elle filme dans des décors et une lumière blafarde. Ce n’est pas ce qui m’intéressait mais je voulais être très proche d’une réalité. (…). À l’origine, même si aujourd’hui les choses ont changé, La Pampa est un film que je voulais dédier aux gens de mon enfance, de mon adolescence et que je voulais généreux. La générosité est parfois taxée de mauvais goût. Moi je pense qu’on peut nouer les choses.”

Même si on peut reprocher au film une certaine essentialisation de la province, comme l’écrit cette critique (qui n’a pas tort sur tous les points), je pense qu’il faut quand même accepter que globalement, le parfait film sur la province, pris en tenaille entre la double menace de l’idéalisation et du pathos, n’existe pas ; il n’y a que le récit de ses habitants qui compte, et leurs différents vécus, qu’ils soient positifs ou négatifs. Personnellement, en regardant La Pampa, j’ai surtout eu l’impression que le sujet était justement tout sauf la province, qui fonctionne comme une toile de fond (certes, réelle et pesante), mais qui ne constitue pas le coeur du film (pour moi, La Pampa parle surtout de fantômes ! On ne pense pas assez aux fantômes !). C’est un film qui, à bien des égards, est très mélodramatique et assez improbable (quoique), mais il a au moins le mérite de ne pas se regarder le nombril tout du long, en se demandant s’il est assez brut et coup de poing pour recevoir la Palme. Et ça, c’était assez agréable.

Ce mois-ci, grâce à Mubi (merci Mubi ! Ce post n’est pas sponsorisé par Mubi mais je les aime), j’ai aussi pu découvrir Working girls, l’un des films de Lizzie Borden, une réalisatrice américaine des années 70 et 80. Borden s’est elle-même renommée ainsi d’après une meurtrière des années 1890, qui aurait assassiné (pour des raisons encore troubles à ce jour) son père et sa belle-mère. Lizzie (la cinéaste, pas la meurtrière) est surtout connue pour ses films documentaires et de fiction sur les communautés marginalisées de New York, que ce soit les TDS, les personnes queer ou les personnes racisé.e.s, et pour le regard inédit qu’elle porte sur ces espaces. La première fois que j’ai entendu parler d’elle, c’était à travers le travail de la photographe Nan Goldin, à qui l’on doit le livre The Ballad of Sexual Dependency, et qui évoluait dans la même communauté artistique que Borden durant sa jeunesse. Elle a d’ailleurs pris des photos sur les tournages de son amie, que l’on retrouve dans The Ballad.

cette photo de l’actrice Marusia Zach dans Working Girls a été prise par Nan Goldin

Working Girls raconte la journée d’une travailleuse du sexe dans une maison close, dans les années 80 à New-York. Pensé comme un huis-clos, avec une unité de lieu (la maison close) et de temps (24h dans la vie de Molly, l’héroïne), c’est un film qui, à ce jour, reste encore pionner dans le domaine de la représentation du TDS au cinéma : sa force, c’est qu’il ne cherche pas à émettre le moindre jugement ni la moindre critique de ses personnages, et se contente de montrer. Son impartialité permet au spectateur de reconnaître la prostitution comme un travail à part entière, plutôt que de le percevoir par le prisme de la moralité. Pour autant, Working Girls n’idéalise en rien le métier de TDS, et en montre les dessous déplaisants : la fatigue, la difficulté de se faire respecter par les clients et de se protéger, la précarité… À travers le personnage de Lucy, la maquerelle en charge du lieu, le film pose aussi la question de la violence des femmes envers les femmes, et de l’exploitation de la classe travailleuse par la classe bourgeoise -Lucy étant elle-même une ancienne prostituée parvenue à se hisser au rang de proxénète.

Plus que de sexe, il est donc question de pénibilité au travail, de corps comme outil et de déontologie professionnelle. La violence du TDS n’est pas minimisée, mais elle n’est pas non plus au centre du récit, ni un prétexte pour maltraiter ses héroïnes plus que nécessaire. Bref, Working girls ne verse ni dans le sacrifice des prostituées à l’écran, ni dans la glamourisation de leur condition. À l’heure où la hustle (pop) culture a encore un bon chokehold sur l’industrie du cinéma (comme en témoignait le succès d’Anora cette année), le film de Lizzie Borden tranche par sa sobriété presque clinique et sa bienveillance, et s’impose comme une oeuvre incontournable sur le sujet.

Dernière grande découverte de ce mois-ci : le film d’horreur The Monster, réalisé par Caroline Lindy. Je suis tombée follement amoureuse de cette réécriture horrifico-comédique de La Belle et la Bête, dans laquelle une jeune femme en rémission d’un cancer rencontrer le Monstre qui habite dans sa maison, et se lie d’amitié avec lui. Your Monster est une fantastique fable sur l’amour, l’amitié et la vengeance ; c’est aussi un film plus malin et plus sombre qu’il n’en a l’air, en équilibre parfait entre ironie et tragique, qui vient nous chercher émotionnellement à des moments où l’on ne s’y attend pas. Ce qui m’a le plus plu je crois, c’est qu’il propose une vraie réflexion sur la colère féminine, au lieu de cette espèce de bouillie pseudo-féministe et labelisée “female rage” que le cinéma horrifique (masculin) nous sert depuis quelques années, pour montrer qu’il a bien compris que #MeToo était passé par là.

De Maxxxine à Companion, j’ai vu beaucoup d’héroïnes essayer de lâcher la rampe  récemment, mais peu de scénario réussissent vraiment à creuser suffisamment profond pour proposer une rage libératrice crédible à l’écran. Le génie de Your Monster m’a permis de mesurer à quel point j’étais fatiguée de ce type de personnages qui se veulent émancipateurs, et à quel point les productions récentes avaient vidé la notion de female rage de son sens et de sa force originelle. Ici, une fois n’est pas coutume, le film a été écrit et réalisé par une femme. Je ne dis pas que c’est une recette automatiquement gagnante, car évidemment, les réalisatrices peuvent aussi se vautrer dans un féminisme libéral de façade, mais ça aide quand même. Your Monster sonne juste à beaucoup, beaucoup de moments ; la réflexion sur la solidarité entre femmes , via le soin apporté aux personnages secondaires, était notamment LA petite touche en plus qui m’a fait aimer le film très fort (ça et le costume de Laura en fiancée de Frankenstein… bravo et merci !).

Si j’ai trépigné de joie en le regardant, c’est aussi parce Your Monster offre une magnifique revanche à Melissa Barrera (qui tient ici le rôle principal). La carrière de cette dernière avait pris un tournant inattendu l’an dernier, après que l’actrice se soit fait brutalement remercier par la franchise Scream, dont elle était le nouveau visage, suite à ses propos pro-Palestine. Alors qu’on devait la retrouver au casting du septième épisode de la saga (pitié, libérez-nous de ce reboot de la mort), son destin en tant que comédienne était devenu très incertain, car Barrera devait son big break à Scream, et n’avait pas les mêmes cartes en main pour rebondir que sa co-star Jenna Ortega par exemple (qui a elle aussi quitté le projet suite au licenciement de sa consoeur… La classe). Quelle délicieuse ironie, donc, de retrouver Barrera à l’écran dans un film qui nous parle de colère et d’évincement artistique… Ce rôle intense, éclatant et bien écrit m’a permis de prendre pleinement conscience de son talent, qui était visiblement très, très mal exploité dans Scream (ce qui prouve, si vous n’étiez pas encore totalement convaincu.e, que ce revival de la franchise est catastrophique ! Laissez Scream reposer en paix !). J’ai hâte de voir ce que Melissa Barrera va faire de sa liberté retrouvée, et je lui souhaite de continuer à briller très fort dans des films aussi géniaux que celui-là.

 Scream depuis que Spyglass l’a forcé à revenir à la vie contre sa volonté

📺  Séries : se remettre de la mort de Jean-Marc Vallée

Ce mois-ci, j’ai (enfin) terminé Sharp Objects, la deuxième mini-série du réalisateur Jean-Marc Vallée, à qui l’on doit Big Little Lies, l’une de mes programmes préférés au monde. Si comme moi, vous avez aimé l’une, je pense que vous aimerez l’autre : il y a de grandes similitudes formelles entre les deux, notamment dans la narration fragmentée, marquée par le travail autour de la mémoire et des souvenirs, qui jaillissent à l’écran en plans très saccadés et décousus. Néanmoins, Sharp Objects est résolument plus sombre et poisseuse que Big Little Lies avant elle, et plus déstructurée, aussi. En la regardant, j’ai eu l’impression que Jean Marc Vallée s’était autorisé à desserrer les vis et à s’installer pleinement dans sa cinématographie, qui tourne beaucoup autour de l’exploration de la noirceur humaine. 

Car, il faut le dire, Sharp Objects est probablement l’une des séries les plus éprouvantes que j’ai regardée de ma vie (coucou l’épisode 3!). A première vue, elle raconte, comme de nombreux thriller policiers avant elle, les meurtres en série de jeunes filles, dans une petite ville du Sud aux mœurs conservatrices (True Detective, is that you ?). Mais en réalité, ce n’est qu’une porte d’entrée pour nous plonger dans l’univers décrépi et dangereux des relations mère-fille. C’est de traumatismes générationels, de deuil et d’autodestruction dont nous parle Jean-Marc Vallée, à travers Camille, son héroïne alcoolique et en vrac. Et ça, aucun détective arriviste n’y peut rien, aussi sexy soit-il. Si Big Little Lies entreprenait déja de déconstruire l’image de la famille américaine parfaite pour en exposer les entrailles peu reluisantes, Sharp Objects, elle, les laisse carrément pourrir en plein soleil. À plein d’égards, la série ressemble à une charogne (il y a beaucoup de cadavres, de sang et de sueur), mais, comme dans le poème de Baudelaire, il est difficile d’en détourner les yeux car c’est étrangement beau. On en viendrait presque à oublier qu’il y a une enquête à résoudre, tant le ballet mortel interprété par les trois actrices principales, la génialissime Amy Adams, Patricia Clarkson, plus venimeuse que jamais, et Elizabeth Scanlen, excellente dans son rôle de petite peste trouble, est fascinant. 

Parfois, c’était un peu trop intense, et dans la spirale infernale de Camille, j’ai eu l’impression de retrouver Effy Stonem et toutes les héroïnes déglinguées et peu crédibles de mon adolescence. Leur magnétisme m’a forcée à réfléchir à la façon dont on se repaît des femmes brisées à l’écran, de façon un peu prédatrice, tout en ayant besoin d’elles malgré tout (comme exutoire ? Comme fantasme ?). Sharp Objects est en réalité adapté d’un roman de Gillian Flynn, l’autrice de Gone Girl, dont la spécialité est visiblement d’écrire des personnages féminins subversifs, qui ont emmagasiné toute la violence du patriarcat en elles et en font… autre chose. Jean-Marc Vallée leur rend ici un très bel hommage, et prouve, dans la lignée de Big Little Lies, qu’il sait mettre en scène des femmes complexes, imparfaites et vivantes. Son décès en 2021 laisse clairement un grand vide dans l’univers des séries. Aussi, comme on dit sur internet, si j’avais 1€ pour chaque fois où Chris Messina avait été agacé par les écrits d’Amy Adams tout en étant amoureux d’elle, j’aurais 2€, ce qui n’est pas beaucoup, mais c’est quand même une sacrée coïncidence.

Julie et Eric, le couple de Julie & Julia, ou la version heureuse et saine de Camille et Richard dans un univers alternatif

💿  Les trompettes d’Oklour résonnent de nouveau : nature is healing

Même pas besoin d’intituler cette section “musique”, car en réalité, je ne vais parler que d’Oklou et de la sortie de son premier album, après cinq (cinq !!!) longues années d’attente depuis son dernier projet, la mixtape Galore, qui avait un peu changé le cours de mon existence à jamais. A mes yeux, Oklou est l’une des artistes francophones les plus intéressantes du moment, et je m’injecte religieusement en intraveineuse tout ce qu’elle veut bien m’offrir. J’avais découvert son travail via le morceau “Forever”, et je suis immédiatement tombée sous le charme de son univers aux productions éthérées et puissantes. Oklou disait en interview qu’elle n’estimait pas être une productrice de talent, et pourtant, la grande force de ses morceaux réside dans ce travail d’orfèvrerie autour de ses sonorités, organiques et technologiques à la fois, où sa voix se mélange à des notes de synthé veloutées et à des trompettes célestes (j’adore tellement l’utilisation des trompettes dans sa musique que je pourrais leur consacrer un paragraphe entier, mais je ne le ferai pas). Il en résulte une pop électronique totalement inclassable, futuriste et incroyablement intime, qui englobe aussi le monde autour d’elle, puisqu’Oklou travaille beaucoup à partir de fields recording. Bref, c’est toute une mosaïque de sons, d’images et de sensations qui se bousculent dans ses chansons, placées sous le signe du rêve, de la mélancolie et du désir.

Pour ce premier album officiel, Oklou, londonienne depuis quelques années maintenant, s’est entourée de compositeurs de talents, qui s’imbriquent parfaitement dans son univers et l’aident à atteindre de nouveaux sommets. On y croise entre autres Danny L Harle, le collaborateur de Caroline Polachek et de A.G Cook, à qui l’on doit aussi “Houdini” de Dua Lipa. Néanmoins, Oklou a surtout retravaillé avec Casey MQ, DJ, chanteuse et productrice londonienne issue de la scène underground, mais aussi son amie et collaboratrice de longue date, avec qui elle avait déjà imaginé Galore. choke enough s’inscrit donc très naturellement dans la continuité de sa mixtape précédente, et les fans de la première heure ne seront pas déboussolé.e.s ; on y retrouve le même côté journal intime cosmique. Néanmoins, Oklou explore aussi de nouvelles sonorités, plus abstraites et plus dansantes ; il en résulte une atmosphère plus électrisante que sur Galore, une sorte de franc-parler musical, la sensation de quelque chose qui frappe vite, bien et au bon endroit. L’album trouve un équilibre parfait entre vulnérabilité et performance, entre la chambre à coucher et le DJ booth ; on passe de morceaux très ludiques (“I.C.U”, “harvest sky”) à des chansons plus proches de la balade, où, avec des mots très simples, Oklou convoque des images à la poésie puissante. “you said/that i’ll never be able/to put my heart on the table for/ somebody to eat” écrit-elle sur “family and friends” (mon morceau préféré, que j’ai écouté à peu près 300 fois et dont les paroles désolées et pleines d’espoir hantent mon petit coeur chauffé à blanc ; c’est ce qu’on appelle, je crois, la douleur exquise). En ce qui me concerne, mon cœur est sur la table et Oklou peut le manger.

J’ai aussi aimé :

  • L’album Pencil Legs de Pencil Legs
  • le documentaire Witches sur Mubi (oui, encore Mubi)
  • regarder le film Mortelle Saint Valentin avec mes galentines

On se quitte sur le morceau « blade bird « de Oklou, évidemment, une dernière lame dans le coeur de ce mois infernal :

Et vous, quels étaient vos coups de coeur et vos obsessions du mois de février ?